Que tu fisses de nous seulement une flamme,
Un vrai sanglot mortel, la moindre goutte d’âme !
Mais nous bâillons de toute la force de nos
Touts, sûrs de la surdité des humains échos.
Que ne suis-je indivisible ! Et toi, douce Espace,
Où sont les steppes de tes seins, que j’y rêvasse ?
Quand t’ai-je fécondée à jamais ? Oh ! ce dut
Être un spasme intéressant ! Mais quel fut mon but ?
Je t’ai, tu m’as. Mais où ? Partout, toujours. Extase
Sur laquelle, quand on est le Temps, on se blase.
Or, voilà des spleens infinis que je suis en
Voyage vers ta bouche, et pas plus à présent
Que toujours, je ne sens la fleur triomphatrice
Qui flotte, m’as-tu dit, au seuil de ta matrice.
Abstraites amours ! quel infini mitoyen
Tourne entre nos deux Touts ? Sommes-nous deux ? ou bien
(Tais-toi si tu ne peux me prouver à outrance,
Illico, le fondement de la connaissance,
Et, par ce chant : Pensée, Objet, Identité !
Souffler le Doute, songe d’un siècle d’été)
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