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vite, et seulement lorsque le dortoir sommeillait lui-même dans la pénombre, après le passage du veilleur. Dès les premières nuits où je l’aperçus, cet homme qui faisait l’ombre sur nous, et qu’on ne rencontrait jamais le jour, m’inquiéta. Il entrait d’un pas claudicant qui balançait sa lanterne sourde. De mon lit, je le voyais se hausser sur une jambe pour atteindre la lampe suspendue du côté que j’occupais ; elle éclairait un instant sa grimace, mais un tour de clef étranglait la belle flamme bleue qui agonisait en hoquets. L’homme gagnait ensuite le fond de la salle, l’ombre semblait, par bonds, suivre sa lanterne, et l’obscurité devenait complète dès qu’il éteignait l’autre lampe. Il sortait aussitôt, et on l’entendait verrouiller la porte : mais on distinguait alors la veilleuse oubliée devant les longs plis des rideaux fermant l’alcôve du maître ; une pénombre douce s’établissait autour de la vacillante clarté, qui faisait plus irrésistible la sollicitation du sommeil.