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flamme. Ma tante lui annonça l’arrivée de ma mère ; leurs regards croisés s’abaissèrent sur moi, puis se cherchèrent de nouveau.

« C’est à elle qu’il ressemble », prononça Mlle  Aurélie. Le vif acquiescement de ma tante exprima la joie qu’elle avait de cette constatation à laquelle elle s’était déjà livrée. Elle ajouta encore : « Et il n’a aucun goût pour le piano. » Sur la chaise basse, j’attendais que l’on servît ; je n’avais guère faim, mais l’impatience où j’étais de la soirée me faisait trouver interminable le temps qui m’en séparait.

Segonde parut enfin, portant le potage, et, le Benedicite récité, nous prîmes place. Vers le milieu du repas, pour fêter la dinde rousse et gonflée, la servante prit, devant le feu, un flacon de vin vieux qu’elle avait mis tiédir, et emplit nos verres, en insistant sur l’âge respectable de la bouteille qu’elle disait « être née » avant moi. Je ne me souciais guère du vin vieux dont le fumet de truffe m’écœurait, mais on me forçait à le boire pour les forces