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le facteur s’annonça dans la cuisine. Je courus prendre la lettre, et la rapportai à ma tante qui cherchait ses lunettes et devant qui, anxieusement, j’attendis. Elle déchiffra la suscription tout entière, prit ses ciseaux pour ouvrir proprement la missive, la déplia, et se mit à lire, lèvres closes, les sourcils hauts. Elle alla jusqu’à la fin, sans que son visage trahît l’impression que je guettais ; puis, replaçant la lettre dans l’enveloppe, et celle-ci dans la poche de son tablier, elle me dit, en retirant ses verres : « Ta mère vient ce soir, mon enfant. » Ma joie fut sans borne. Segonde, descendue des chambres, se tenait, les mains aux hanches, dans le cadre de la porte ; il me sembla bien que le regard de sa maîtresse lui confiait autre chose, mais ma tante la pria de prévenir Justin afin qu’il fût à l’arrivée du bateau, et je me promis d’y aller aussi. Le bonheur que me donnait l’espoir certain de voir ma mère, décupla mon activité. J’aidai ma tante à dresser dans la salle à manger un couvert digne de la solennité du jour.