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midi, mais pour se ternir bien vite, et ne laisser après soi qu’une lueur souffrante qui alla s’affaiblissant jusqu’à la nuit. Vers quatre heures, de la cuisine où je regardais Segonde pétrir pour le lendemain un massif gâteau de froment, le jardin m’apparut soudain tout en fleurs, et j’en témoignai ma surprise. Segonde regardait aussi, les deux mains dans la pâte ; j’en profitai pour coiffer mon béret et sortir. Le froid plus vif du crépuscule avait congelé le brouillard autour des branches, et vêtu celles-ci d’une miraculeuse floraison. Je courus follement dans les allées que les buis couverts de neige bordaient d’hermine ; chaque arbuste paraissait plus gainé de corolles que les pêchers au printemps ; les buissons semblaient une cristallisation fragile, et les feuilles encore suspendues y mettaient des pétales. Dans la prairie, chaque brin d’herbe était givré ; j’y brisai ma course ainsi qu’au bord d’un champ de fleurs. Au delà, se devinait un pays mystérieux où les arbres nus s’achevaient en