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à l’aide, pendant une absence de la garde, un matin que ma tante cédait au sommeil. Je n’entrais jamais au salon où deux portraits des hôtes, aux premiers temps de leur mariage, me demeuraient plus étrangers que s’ils eussent représenté des inconnus. Chaque jour, cependant, on ouvrait les fenêtres de cette grande pièce située à l’extrémité de l’aile droite, et par où la vue s’étendait à travers les branches, jusqu’au fleuve lointain. Mais j’allais seul, et par jeu, chercher du bois dans le bûcher, salle basse attenant à la cuisine, et qu’une petite fenêtre éclairait ; les fagots empilés, les tas de pommes rainettes, les pommes de terre fleurant le sillon, l’emplissaient d’une senteur d’automne qui suffisait peut-être, par ce qu’elle évoquait des sous-bois et des champs, à chasser toute idée gênante. J’y jouais à balancer les tresses d’oignons dorés accrochées aux poutres basses sur lesquelles séchaient des pains de savon ; parfois, l’un des bulbes, détaché, roulait, dans le bruit de sa pelure plus fine