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Le jardin nu m’étonna : le paulownia y révélait une ossature tourmentée, les marronniers levaient des bras transis, les arbustes semblaient des balais de brande, la haie, un treillis épineux. Les groseillers se mouraient, près de la fontaine qui dégelait, goutte à goutte, au soleil rose. La charmille n’était plus un abri, et laissait voir, bouchons de paille mouillée, les nids insoupçonnés aux dernières vacances. Seules, les bordures de buis restaient vertes, et, sur le mur bas, la toison de lierre se chargeait d’étranges raisins. Je pensais que notre venue avait surpris les choses : la maison dans le sommeil, le jardin sans parure… Les soirs, surtout, étaient beaux ! Dès quatre heures, le soleil atteignait un petit bois de chênes chargés de gui, derrière lequel il descendait en l’incendiant. L’horizon opposé se teignait de rose, et le ciel pâlissait jusqu’au vert. Segonde ouvrait sa porte, et jetait mon nom dans le jardin ; je rentrais, et c’était le livre repris, le conte à voix basse, ou l’attente