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de même la nuit suivante où ma mère ne voulut rien entendre pour céder sa place à qui que ce fût. Elle paraissait plus calme, mais par instants, comme remise en face de la réalité, elle se cachait la face avec de grands efforts stériles pour pleurer. Ma tante, brisée d’émotion, dut regagner sa chambre. Segonde et Maria demeurèrent, leur chapelet à la main, l’air de Religieuses, sous leur foulard noir, avec leur figure sèche que le cierge éclairait d’un seul côté. Le grand silence du dehors pénétrait la chambre où de sourds craquements parfois le troublaient. Je retenais mon souffle dans le fol espoir que mon père allait gémir, s’agiter, appeler ; il me semblait voir remuer sa face quand j’osais la fixer. J’étais déchiré de remords ; je m’accusais de ne l’avoir pas assez aimé, de m’être montré sottement craintif devant lui, et le sentiment que j’éprouvais de ne plus pouvoir racheter ma faute me désespérait. On m’avait placé dans l’ombre, au fond d’un fauteuil ; le sommeil vint m’y prendre à minuit. Quand je m’é-