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tartines grillées qu’elle beurra en affectant de m’envier. Notre arrivée, la veille, l’avait détournée de ramasser les œufs ; elle m’attendit pour aller les prendre, et je la suivis dans le poulailler où nous entrâmes courbés. Il y avait sur le nid une grosse poule noire qui se mit à glousser, le bec dans la plume. Segonde l’enleva adroitement, par les ailes, sans égard aux piaillements de la pondeuse, à qui les coqs répondaient au dehors, et prit, deux par deux, les œufs qu’elle déposa dans son tablier. Je m’étais accroupi près d’elle, les paupières encore humides et gonflées, elle me tendit l’œuf le plus gros en me disant de le passer sur mes yeux, afin, ajouta-t-elle, que mon regard fût plus clair. La tiédeur de coque polie était douce, en effet, à ma chair gercée du sel des larmes. Segonde me regardait en souriant ; par le petit arceau ouvert sur leur cour, les poules montraient leur tête inquiète, qu’elles tournaient de profil pour mieux voir.

Nous rentrâmes ; ma tante avait préparé sur