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bruit l’avertît du réveil de mon père. Je m’amusais de l’oiseau, tentant de le nourrir avec des mouches que son bec se refusait à saisir : ses ailes qu’il ne voulait pas replier, s’ouvraient comme deux faux d’acier bruni sur la table, et tout le corps, de la queue à la tête plate, luisait d’un azur endeuillé.

Bien du temps s’écoula, sans doute ; ma mère s’oubliait dans son travail comme moi-même dans ma contemplation silencieuse. La pendule sonna la demie de neuf heures sans qu’un seul bruit fût venu de l’étage ; ma mère que l’inquiétude assaillit, jugea bon de monter. Elle prit l’escalier de service qui retentit presque aussitôt de sa descente précipitée. En la revoyant, je sentis s’imprimer dans chacun de mes traits l’angoisse qui chargeait les siens. Elle n’avait pas trouvé mon père dans sa chambre ; elle pria vivement Segonde de regarder au jardin ; elle-même fit quelques pas vers la cuisine où s’ouvraient le bûcher et la route des communs ; mais, comme frappée d’une inspiration subite, elle