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toute heure du jour ; Segonde eut seule pitié de ma tristesse et tenta de me réconforter. Elle achevait la besogne des confitures ; il lui arrivait de s’installer dehors avec le chaudron de cuivre dans lequel elle jetait les fruits qu’elle pelait et coupait en quatre. Je m’asseyais près d’elle et les lui faisais passer un à un. Les coings énormes laissaient à mes doigts leur duvet et une senteur âcre ; tout en les épluchant, Segonde me contait l’histoire paysanne de Jean-le-sot et de son âne, ou de la bergère Églantine sous qui l’herbe ne ployait pas. Elle savait en outre, une ronde triste que je lui demandais de préférence, et qui commençait ainsi :

En revenant des noces,
J’étais bien fatigué ;
Au bord d’une fontaine,
Je me suis reposé…


J’aimais surtout ce passage qui me touchait :

Chante, Rossignol, chante,
Toi qui as le cœur gai…
Car moi, je ne l’ai guère ;
Mon ami m’a laissé !…