Page:Lafon - L’Élève Gilles, 1912.pdf/251

Cette page a été validée par deux contributeurs.

quait pour moi la reprise d’une vie machinale et enfermée dont la seule idée m’atterrait. Je revoyais le dortoir, le lever aux lumières, l’étude somnolente de l’aube, l’interminable étude du soir, les récréations tumultueuses où je n’avais nulle part, l’hostilité des derniers jours, la tyrannie des forts et ma docilité à l’admettre. Tout cela, dans mon rêve, prenait figure, formait autour de moi une ronde fantastique qui allait se resserrant. Je ne comprenais pas comment j’avais pu vivre cette existence, et tout me semblait préférable à la nécessité de la supporter à nouveau. J’en éprouvais tant d’effroi que je m’en ouvris à ma mère ; elle répondit avec calme et tristesse à ce qu’elle nommait mes caprices d’enfant gâté. Je me sentis désarmé contre le sort, et je tombai dans l’abattement.

Le moment des vendanges arrivant, ma tante se trouvait fort occupée et conférait sans cesse avec Gentil. Ma mère semblait s’éloigner, et vivait de plus en plus près de mon père à qui sa présence devenait nécessaire à