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suivre, car il lui plaisait d’être alors un de nos chevaux qui s’échappaient.

Son visage avait toute la mobilité de son humeur, et j’en venais à l’aimer sans y prendre garde. Au plus fort de nos courses, elle s’arrêtait pour secouer sa tête décoiffée, tirait son peigne et le repoussait à fond dans la masse des cheveux. Quand nous causions, elle se montrait très vaniteuse, et me parlait de somptueuses robes qu’elle possédait ; elle m’en faisait des descriptions extravagantes, l’or et les perles en formaient, à l’entendre, les plus communs ornements. À bout de paroles, elle avait, pour exprimer leurs richesses, une façon singulière de mordre très bas sa lèvre inférieure et de me regarder de côté avec son œil le meilleur, en hochant lentement la tête. Je me laissais convaincre et ne voulais plus que connaître tant de belles choses, mais il se trouvait que ses parents n’avaient pu l’autoriser à s’en faire suivre, et c’était pourquoi je la voyais mal vêtue ; toutefois, elle promettait de revenir quelque