Page:Lafon - L’Élève Gilles, 1912.pdf/230

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tial était repris, commenté, magnifié en des accords qui s’élevaient comme une floraison nombreuse ; des chants passionnés évoquant la forêt sous l’orage, de larges discours apaisés qui étendaient devant mes yeux un lac où dormait la lune. Bientôt, leur succédait un air à la fois vif et triste, qui, sans cesse brisé, semblait renaître et ne s’achever jamais ; mon père, apparemment, devait s’y complaire et ne finissait pas de se le répéter. Mon attention que la variété des chants ne soutenait plus, cédait alors à la somnolence et ne continuait qu’à demi de suivre l’harmonieuse plainte, et je croyais voir, de mon corps alangui, s’élancer un être imaginaire et fait à ma ressemblance, qui se tenait devant moi dans l’azur épais de la nuit. Je m’éveillais tout frissonnant, à l’aube humide ; les oiseaux s’ébrouaient à peine, je me jetais sur mon lit en grelottant, et ce fut une fois ma mère qui vint, fort avant dans la matinée, me tirer d’un sommeil prolongé qui l’inquiétait.

Un jour que je poussais à cloche-pied un