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alors leurs yeux se parler sans contrainte, et, à l’issue de ce colloque, le regard de ma mère s’arrêtait si fixement devant elle que des larmes ne tardaient point à le faire briller.

Je me couchais sans revoir mon père, qui avait dormi pendant les heures chaudes du jour. Vers le milieu de la nuit, le piano qu’il ouvrait pour des heures m’apprenait son retour. Ce ne fut d’abord que la secrète pénétration de mon rêve par l’harmonie qui me berçait, enveloppait mon esprit et le guidait aux songes ; mais, en peu de temps, ceux-ci me laissèrent dès l’appel des préludes, et du fond de mes rêves, je remontai chaque nuit, avec le sentiment d’aborder une rive heureuse à mesure que je reprenais mes sens. Je me plus, les premières fois, à laisser la musique venir jusqu’à moi, mêlée au vent doux, aux chœurs d’insectes, aux bruits de feuilles, puis peu à peu, j’allai vers elle, et, quittant mon lit, je m’accoudais à la fenêtre, et demeurais à l’ouïr. C’étaient, en général, de longues sonates où le thème ini-