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durant, elle mit son voile derrière les vitres et son bruit de déluge autour de nous ; mais la fraîcheur vint avec elle ; la fenêtre fut rouverte pour le dîner, les massifs exhalaient leur arome, le ciel s’éclairait, tout respirait la délivrance et le confiant abandon.

Mon père ne put travailler et vint s’asseoir avec nous au seuil du jardin humide, où les allées se creusaient en ruisseaux. Le ciel était pâle encore, mais l’épaisseur des feuillages faisait la nuit devant nous ; nos regards se perdaient sous eux comme dans un temple, où s’indiquait à peine la colonnade des troncs. Toute une vie se devinait parmi les branches, à mille froissements secrets. Les feuilles couchées par l’averse se relevaient et laissaient choir les gouttes pendantes à leur extrémité ; des oiseaux muets s’ébrouaient et lissaient leurs plumes ; les limaces devaient glisser, les escargots monter aux tiges et se nourrir goulûment. Une chauve-souris circulait et l’on entendait jouer ses ailes.

Les tilleuls, les marronniers ronds de hau-