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l’après-midi, sa matinée s’employant au soin des comptes et du ménage ; le déjeuner terminé, elle se tenait près de nous, occupée à sa couture, et nous nous taisions sans être gênés de n’entendre que le crissement d’une aiguille sur le dé. Je regardais passer les nuages ; ils me paraissaient tantôt des chars glissant avec douceur, tantôt des animaux ou des figures nues qui s’étiraient dans l’azur.

Le soir nous retrouvait sous la charmille ou tout au fond du potager frais arrosé et qu’un air moins tiède éventait. Les étoiles brillaient au-dessus de nous ; quand l’une d’elles, se détachant, rayait la voûte bleue, ma tante se signait en disant qu’une âme libérée du Purgatoire retournait à Dieu. On entendait des voix dans les champs ou sur la route, et les arbres formaient sur le jardin une ombre si confuse que j’aurais eu peur de le traverser seul.