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froid nous força de descendre au salon des passagers et, durant la traversée, je demeurai à demi somnolent, appuyé à ma mère qui ne cessa pas d’être pensive.

Autour de ce petit salon d’arrière où nous nous étions réfugiés, régnaient une banquette et un dossier de velours rouge, au-dessus desquels se trouvaient de profondes fenêtres carrées qui allaient se rétrécissant jusqu’aux hublots, que l’eau parfois venait battre. Entre ces fenêtres, étaient fixés d’étroits miroirs dans l’un desquels je regardais se réfléchir notre groupe, avec l’étonnement de nous voir tenir tous deux dans une surface aussi resserrée. Ma mère était coiffée d’une capote de jais dont les brides de velours suivaient l’ovale de son visage, ses yeux fixes restaient sans regard, ses lèvres jointes se creusaient, à gauche, d’une profonde fossette. Elle portait un « boa » de martre, et ses mains se cachaient dans un manchon de même fourrure, posé sur ses genoux, entre les plis du manteau dont elle était enveloppée. Il n’y avait