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que je faisais paraître et dont j’avais pris soin de le désabuser. Il ne s’ennuyait pas ; la maîtresse lingère le soignait avec bonté, on lui donnait des livres, et la chatte lui tenait compagnie. « La chatte aveugle ?… » lui demandai-je, en m’étonnant qu’il l’eût apprivoisée. On appelait ainsi la bête à cause de ses yeux dont l’un était mort et l’autre mi-clos. Nous l’apercevions parfois, se sauvant comme nous entrions au dortoir ou au réfectoire ; les garçons, de qui le coup de pied ne pouvait l’atteindre, l’appelaient « sale taupe », en lui criant qu’elle n’était pas si aveugle qu’elle en avait l’air. Personne ne pouvait se vanter de l’avoir approchée. Charlot me conta qu’un cauchemar l’ayant réveillé au cours de sa première nuit à l’Infirmerie, il avait fait fuir en se débattant, la chatte couchée sur lui ; elle était revenue peu après s’installer à ses pieds, et lui continuait depuis ses visites. Soudain, je la vis accroupie à l’autre bout de la pièce et qui nous observait. Je songeai à des histoires entendues d’enfants étouffés par