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l’aller chercher encore, mais pour l’attendre seulement quelques minutes dans la cour, je me sentais pénétré de la tristesse qui emplissait le bâtiment désert. Une gamme venait de la salle à musique où quelque maître s’essayait au piano ; on entendait les coups de pioche du jardinier au fond du potager, ou la chanson d’un domestique dans les salles vides. Je me dépêchais d’emmener Charlot. Il me contait que Ravet fouillait, un à un, les casiers des études, et le taquinait au dortoir où ils couchaient seuls, parce que le maître gagnait doucement sa chambre dès qu’il les croyait endormis.

Les jours avaient repris leur train ordinaire, sous un ciel tendre qui demeurait clair plus longtemps et dont l’indulgence les faisait faciles à vivre. Mon ennui même m’était doux ; le matin était un lac frais, l’après-midi un bain tiède de silence où tombaient en tournant des fleurs de marronniers. Assis sur le banc, l’esprit ailleurs qu’à mon livre, j’émiettais mon goûter à une couvée de poussins dont la