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de son droit d’abus, amener la décadence d’un empire.

Mais cette misère économique du moyen âge est si éloignée de nous et la féodalité est en elle-même une forme politique si différente de la nôtre qu’on pourrait méconnaître la leçon qui se dégage des troubles de cette époque lointaine. On pourrait croire qu’à dix siècles d’intervalle le changement dans les mœurs, les institutions sociales, le commerce et l’industrie rompt une analogie qui apparaîtrait comme plutôt menaçante. L’exemple de l’Angleterre, où les progrès de l’inégalité et la féodalisation de la terre se sont produits de la façon la plus régulière et la plus complète, est là pour nous rappeler la possibilité et même l’imminence de troubles analogues à ceux dans lesquels mourut la féodalité.

À partir de la fin du xiiie siècle, commença dans la situation agraire de l’Angleterre une révolution lente et insensible qui parut d’abord favorable aux cultivateurs et qui eut cependant pour résultat final d’en réduire singulièrement le nombre : elle leur apporta la liberté, mais leur enleva la propriété.

Au temps des Saxons, comme l’Italie aux premiers temps de la république, l’Angleterre est peuplée d’hommes libres, propriétaires et soldats, réglant eux-mêmes leurs intérêts et administrant la justice. Après la conquête nor-

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