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Il faut bien se garder de croire que l’histoire de la propriété à Rome nous présente un événement exceptionnel. L’histoire d’Angleterre renouvelle le phénomène des latifundia, l’envahissement de la petite propriété par la grande. Sous une forme ou sous une autre, il s’est d’ailleurs renouvelé partout, variable en ses façons et figures, toujours pareil au fond, parce que représentation d’un même instinct.

Letourneau a montré que le désir de l’appropriation est simplement l’une des manifestations de l’instinct de conservation, c’est-à-dire quelque chose d’impérieux, de tyrannique, comme tout ce qui est primordial. À la vérité un des instincts les plus puissants, le plus durable certainement, inspirateur de meurtre comme tous les instincts : l’histoire paysanne, héritages ou rivalités de voisins, est pleine de récits où l’on se tue pour un lopin de terre.

Dès que les circonstances favorisent son développement, l’instinct d’appropriation atteint rapidement au paroxysme. L’histoire, la grande, et dans tous les pays, nous offre de nombreux exemples de ce délire d’autant plus général que dans le passé la terre fut, avec l’esclave et le bétail, l’un des rares objets sur lesquels pût s’exercer cet instinct. Aussi du sol tout lui est bon. La terre est toujours la terre et du moment que la terre des champs est propriété absolue, pourquoi la terre des routes ne le serait-elle

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