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d’église ou de cour, le voilà qui se retourne du côté du tiers-état. Dans la nouvelle campagne qu’il entreprend, il s’attaque, de préférence, aux vanités, prétentions, sottises, qu’il avait observées dans le monde bourgeois, soit à Paris, soit en province.

Tartuffe n’avait pas encore épuisé son succès au Palais-Royal quand Molière et Lulli lurent appelés au château de Ghambord, où la cour allait passer la saison des chasses. Les deux compères, alors en bonne intelligence, poète et musicien, Parisien et Florentin, y donnèrent à qui mieux mieux, et de leur métier, et de leur activité, et de leur personne. Arrivés à Chambord le 17 septembre ils n’en repartirent que le 20 octobre. M. de Pourceaugnac avait été représenté le 6 de ce mois. Il aurait donc suffi de 19 jours pour composer texte et musique, organiser la mise en scène, suivre les répétitions. Or, durant ces trois semaines, Molière avait joué, presque tous les jours, dans son répertoire ordinaire. Il est bien certain qu’en cette circonstance comme en d’autres, il remania, adapta, rajeunit d’anciens scénarios composés dans ses tournées juvéniles. Bien que la scène soit à Paris, les types sont provinciaux ou étrangers. Pourceaugnac est limousin, Sbrigani napolitain, Nérine sent aussi son origine italienne, bien qu’elle soit polyglotte, et parle couramment la langue d’oïl, comme Lucette la langue d’oc. On y entend deux Suisses jargonner du franco-allemand. Il y a des chanteurs italiens. Tout le vocabulaire médical s’étale dans le discours des médecins consultants et le vocabulaire juridique éclate dans les menaces du hobereau-robin qui tantôt se vante et