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MOLIÈRE.

de cour et par les gens du peuple, que par le dogmatisme des lettrés. En passant de M. de Pourceaugnac aux Amants magnifiques, du Bourgeois gentilhomme à Psyché, des Fourberies de Scapin aux Femmes savantes, de la Comtesse d’Escarbagnas au Malade imaginaire, Molière allait donner d’égales preuves d’une souplesse de génie et d’une fertilité de moyens comparables à celles de ses grands prédécesseurs, Shakespeare et Lope de Vega. Comment pourrions-nous partager aujourd’hui les préjugés scholastiques sur la dignité exclusive de la comédie régulière et classique dont Boileau, sévère ami de Molière, son loyal et ferme soutien, se faisait, auprès de lui, l’écho obstiné avec une sincérité de douleur touchante ? Est-il vrai que l’auteur du Misanthrope' se déshonorât lorsqu’il endossait la casaque de Scapin, ou s’exposait, sous le pourpoint de Pourceaugnac, aux poursuites armées des apothicaires ? Pas plus, assurément, que tous les princes et gentilhommes, qui, sous des déguisements allégoriques, dansaient autour de lui des entrechats. Tout ce monde était exubérant de jeunesse et de confiance, de vaillance et de sentimentalité, d’intelligence et de malignité : Molière s’associait naturellement à cette joie de vivre. Plus mûr, néanmoins, et plus réfléchi, il ne manquait pas de mêler, à tous les plaisirs qu’il leur donnait, les enseignements de son expérience sagace, enseignements d’autant mieux acceptés qu’ils se présentaient sous des formes de plus en plus vives, spontanées, franches et gaies. Alors, d’ailleurs, par prudence ou par ordre, laissant quelque répit aux hypocrites