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MOLIÈRE.

donc votre médecin, dit Louis XIV, que vous fait-il ? — Nous raisonnons ensemble ; il m’ordonne des remèdes ; je ne les fais point et je guéris ». L’obstiné rieur disait-il bien la vérité ? En fait, il se sentait de plus en plus tourmenté par sa maladie de poitrine, il suivait un régime, ne buvait que du lait et ne guérissait pas. Ses diatribes arrières contre les impuissances et les prétentions médicales ressemblent parfois à des explosions de désespoir personnel. On y doit trouver aussi le trop juste ressentiment de mille fâcheuses erreurs contemporaines.

Or, en ce moment, Molière souffrait plus que jamais d’un affaiblissement physique qui le rendait incapable de faire face à tous les chagrins et tous les soucis dont il était assailli, à tous les devoirs et obligations de son métier et de sa situation. De tous côtés, ce n’était que tracas et crève-cœurs. Après les interdictions de Tartufe et de Don Juan, au milieu d’une guerre incessante de calomnies et de menaces, une avalanche de douleurs intimes. Au théâtre, c’est Racine, le beau jeune poète, dont il avait encouragé les débuts, inspiré les essais, joué la première pièce la Thébaïde, l’année précédente, et la seconde, Alexandre, en cet instant même (4 décembre), qui, par hâte d’ambition ou lâcheté d’amour, le trahit, l’abandonne, fait jouer, sans crier gare, le même Alexandre en concurrence par la troupe rivale, à l’Hôtel de Bourgogne, prépare la désertion de la Du Parc, la hautaine et capricieuse Marquise. Dans son intérieur, ce sont les légèretés incorrigibles d’Armande, les premiers pardons suivis de raccommodements éphémères, et