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MOLIÈRE.

Divertissante pour tous ? Non, assurément. Au premier abord, ce fut, pour la plupart, une gênante surprise, pour beaucoup un effroyable scandale. L’expression de ces sentiments divers d’inquiétude ou de répulsion s’était forcément contenue devant l’attitude royale. Dès le lendemain, elle éclata. L’archevêque de Paris, confesseur du roi, M. de Péréfixe, se fit l’interprète des plaintes soulevées par cette audacieuse satire, où nombre de dévots sincères se croyaient suspectés et bafoués en même temps que les faux dévots. Le roi était parti pour Fontainebleau. Molière l’y rejoignit, obtint, à quelques jours d’intervalle, plusieurs audiences, tandis que la tempête grossissait et montait. Le roi, pour la calmer, dut donner une apparence de satisfaction aux plaignants. « Quoiqu’on ne doutât pas des intentions de l’auteur, il défendit pourtant la pièce en public et se priva lui-même de son plaisir pour n’en pas laisser abuser à d’autres moins capables d’en faire un juste discernement. » Molière pourra lui écrire : « Votre Majesté m’ôtait tout lieu de me plaindre, ayant eu la bonté de déclarer qu’Elle ne trouvait rien à dire dans cette comédie qu’Elle me défendait de produire en public. »

En fait, deux mois après, quand le cardinal Chigi, légat du Pape, vint à Fontainebleau apporter les excuses du Saint-Siège pour l’insulte faite à l’ambassadeur, duc de Créqui, ce fut Molière qu’on appela pour le distraire. Sa tactique fut la même qu’à Versailles. Après avoir fait rire l’Éminence par la Princesse d’Élide, il sollicita une audition pour la pièce incriminée par le clergé français. Le Tartuffe,