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la grande lutte.

faute de temps, fait répéter et jouer les trois derniers en prose. « La princesse n’avait eu le temps que de prendre un de ses brodequins et elle était venue donner des marques de son obéissance, un pied chaussé et l’autre nu. »

Telle quelle, cette transformation, vive et sans gêne, d’un délicieux imbroglio sentimental et poétique en une mixture de parade foraine et de pastorale héroïque, enchanta la cour. Les jours suivants, Molière la ravit encore par d’autres gaîtés de son répertoire. C’est alors que, la voyant à point, se croyant assez fort pour lever son masque de fou devant la noble assemblée, la veille même de leur séparation, il voulut se montrer de nouveau, avec son vrai visage, celui d’un philosophe militant et justicier, maniant le fouet de la satire. Il allait le faire, cette fois, avec une telle vigueur que les éclats sonores en retentiraient bientôt jusqu’aux extrémités du monde.

Le lundi soir, 12 mai, le Roi Très Chrétien, les pieuses reines espagnoles Anne d’Autriche et Marie-Thérèse écoutèrent les trois premiers actes de l’Imposteur. La pièce était-elle réellement achevée ? Ou bien le prudent lutteur jugeait-il à propos de s’en tenir là pour le moment, de tâter un terrain brûlant avant de risquer les déclarations cyniques de Tartuffe aux quatrième et cinquième actes, dévoilant toute l’ignominie du faux dévot, ingrat, paillard, voleur ? Complète ou non, l’œuvre était, selon toute apparence, connue du roi et sa représentation autorisée par lui. « On la trouva fort divertissante », dit la relation officielle.