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la grande lutte.

Quoi qu’il en fût, comme on était, dans le monde religieux et le monde lettré, en pleines querelles théologiques et philosophiques, entre jansénistes et jésuites, cartésiens et gassendistes, la consultation grotesque de Pancrace et Marphurius, l’un bourré de réalisme aristotélique, l’autre empoisonné de scepticisme pyrrhonien, désopila son auditoire mondain, que harassaient toutes ces batailles de syllogismes et ces subtilités de controverses. On vit bien que, même dans ses bouffonneries les plus grotesques, l’auteur des Écoles entendait et savait faire accepter par son public quelque sage leçon de bon sens.

Le roi, d’ailleurs, enivré de ses succès diplomatiques, avait en tête de plus fiers projets. Depuis trois ans, des milliers d’ouvriers travaillaient à Versailles. Sans être achevé, le palais était déjà fort agrandi et les jardins réunissaient assez d’embellissements pour qu’on pût les offrir à l’admiration des courtisans. Louis résolut d’inaugurer leurs splendeurs par des fêtes somptueuses dont la postérité garderait le souvenir. Le duc de Saint-Aignan fut chargé de préparer les Plaisirs de l’Île enchantée. Il s’adjoignit, suivant l’ordre royal, Vigarani pour les décors, Lulli pour la musique, Molière pour le théâtre. Ces fêtes extraordinaires, dont les gravures d’Israël Sylvestre et tant de relations nous ont conservé le détail, occupèrent sept journées du 7 au 13 mai. La troupe du Palais-Royal, arrivée le 30 avril, continua d’y fonctionner jusqu’au 22 mai, presque sans relâche, soit en jouant la comédie, soit en figurant, sous costumes allégoriques, mêlée aux