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MOLIÈRE.

bien, perdu son temps. Pour satisfaire à la fois tous ses spectateurs, courtisans et bourgeois, nobles et vilains, il leur avait servi un plat composite, mélange de farce et de morale, d’amusants quiproquos et de saines pensées, à l’usage du petit et du grand monde, L’École des Maris, jouée à Paris le 24 juin 1661, avait, en deux heures, fait regagner à l’auteur de Don Garcie tout le terrain perdu pour sa popularité. Elle avait fait mieux encore, elle avait fait regagner, suivant les bons juges, à l’art de la comédie, tout le terrain abandonné par la pensée humaine depuis l’antiquité gréco-romaine. Ménandre, Plaute, Térence avaient enfin un successeur qui, en s’inspirant d’eux, manifestait hardiment l’intention de les dépasser. La pièce fut représentée, sans relâche, au Palais-Royal, du 24 juin au 11 septembre, applaudie, avec la même chaleur, à Vaux et à Fontainebleau, par la Reine d’Angleterre, Monsieur et Madame, récemment mariés, le Roi, la Reine et toute la cour. Malgré sa répugnance pour l’impression, Molière dut se décider à la publier. Il la dédia au duc d’Orléans, son protecteur, en s’excusant de lui offrir « par nécessité absolue » cette « bagatelle ».

C’était, comme on l’a dit justement, une pièce à thèse. Deux frères, d’âge mûr, d’humeurs diverses, l’un jaloux et tyrannique, l’autre aimable et indulgent, sont tous deux à la fois tuteurs et amoureux, malgré la différence d’âge, de deux jeunes sœurs qu’ils veulent épouser. Lequel, par l’éducation qu’il leur a donnée, s’est mieux assuré leur affection et son bonheur ? La réponse, on la connaît. C’est Ariste, le souriant, qui remporte sur Sganarelle, le