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LES PREMIÈRES BATAILLES.

dérouté, n’y reconnut plus son amuseur déjà classé, et, par ses succès même, condamné au rire continu. Ce fut la chute à plat, complète. Mauvaise joie chez les envieux et les rivaux, consternation inquiète chez les amis. La mode n’était plus, décidément, à ces mélanges des genres, où la vie se présentait sous toutes ses variétés d’aspect. Nos vieux instincts, incurablement formalistes et doctrinaires, réveillés par la puérile et bruyante querelle des unités, exigeaient de l’unité apparente à tout prix, non seulement dans le temps, le lieu, l’action, mais encore dans la suite et la nature de l’émotion théâtrale. Quelques années auparavant le grand Corneille, rivé, lui aussi, par l’admiration, à la formule victorieuse, n’avait pu faire accepter son beau drame de Don Sanche d’Aragon par le préjugé public. Don Garcie, d’une exécution très inférieure, devait, à plus forte raison, subir le même sort. N’oublions pas, néanmoins, qu’avant les tragédies de Racine ce fut le plus sérieux acheminement vers le drame psychologique, uniquement fondé sur le jeu des passions.

Ce n’est pas un tel four (le mot est du bon Lagrange) qui pouvait, d’ailleurs, démonter un homme de ressources tel que Molière. D’abord, il en appela de la ville à la Cour, qui cette fois, protesta contre la ville, mais inutilement. Recommandé par Versailles et par Chantilly, Don Garcie essaiera bien de reparaître à Paris deux ans après, mais la froideur y restera la même, et la pièce ne sera imprimée qu’après la mort de Molière. Celui-ci, dans l’intervalle de ces deux chutes, n’avait pas, on le pense