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LES PREMIÈRES BATAILLES.

comprirent vite et s’entendirent, franchement ou à demi-mot, le plus souvent. C’est bien à Louis XIV que la France doit Molière. Sans le roi, sans sa protection fidèle, nous n’aurions peut-être qu’un seul Molière, celui du rire, farceur incomparable, farceur unique, sans doute, mais enfin un Molière réduit, exclusivement comique et traditionnel. Nous n’aurions pas le grand Molière, si original et si personnel, à la fois satirique et moraliste, le vaillant poète, créateur des grands types humains de vice et de vertu, Tartufe, Don Juan, le Misanthrope.

Toujours est-il que le lendemain, avant de partir pour Lyon, le roi voulut témoigner à la troupe son contentement. Il mit à sa disposition la salle du Petit Bourbon, attenante au Louvre, et communiquant avec les appartements royaux. Les représentations, alternant avec celles de Scaramouche et de ses acteurs italiens, y commencèrent huit jours après. D’abord, rien que des tragédies, Héraclius, Cinna, Rodogune, le Cid, Pompée et peu de succès. L’accent plus simple que Molière et ses compagnons s’efforçaient d’introduire dans l’éloquence cornélienne, étonnait et scandalisait des oreilles accoutumées aux déclamations ronflantes des Grands Comédiens de l’Hôtel de Bourgogne. Mais lorsque ce jeu naturel apparut dans les « deux Nouveautés », l’Étourdi puis le Dépit amoureux, que l’acteur-auteur se hâta de leur offrir, la surprise du Parterre tourna vite en joyeuse admiration. Le succès de Molière dans le rôle de Mascarille fut étourdissant, au dire même de ses plus violents détracteurs. Treize ans après, l’ignoble Boulanger de Chalussay, dans son Elomire