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MOLIÈRE.

plus pressante. En mars, le chef de famille, huissier aux eaux et forêts, meurt insolvable ; la mère, matrone féconde et sans scrupules, renonce à la succession, « comme tutrice de Joseph, Madeleine, Geneviève et d’une petite non encore baptisée » (la future femme de Molière). Le père Poquelin, en grognant, se résigna, s’exécuta, finança ; c’était la première fois, ce ne devait pas être la dernière.

La société de l’« Illustre Théâtre » fut constituée le 30 juin 1643, par acte dressé dans la maison de Marie Hervé. Les obligations des sociétaires y sont rigoureuses. « Nul ne pourra se retirer, avant ses débuts, sans un dédit de 3 000 livres tournois, et après, sans prévenir quatre mois d’avance, à peine d’hypothèques pour dommages-intérêts sur tous ses biens présents et à venir (même ses équipages, en quelque lieu et en quelque temps qu’ils puissent être trouvés). » Les pièces nouvelles sont distribuées par les auteurs « sans contredit », sans qu’aucun se puisse plaindre du rôle donné. Seule, Madeleine Béjart a la prérogative de choisir le rôle qu’elle voudra. En fait, on le sent bien, c’est Madeleine qui mène l’aventure. Elle est la forte tête de la troupe, elle en restera toujours l’administratrice et la caissière. Son jeune commanditaire, l’auteur acteur, est à bonne école.

L’« Illustre Théâtre » eut, d’abord, quelque peine à s’assurer le plus modeste gîte. Sauf Madeleine, et peut-être Denys Beys, tous les comparses de la troupe étaient des débutants : le vieux Pinel, sous le nom de La Couture, les deux autres Béjart. Joseph et Geneviève, Bonnenfant, clerc de procu-