Hé bien ! Georges Dandin, vous voyez de quel air votre femme vous traite ? Voilà ce que c’est que d’avoir voulu épouser une demoiselle ! L’on vous accommode de toutes pièces, sans que vous puissiez vous venger, et la gentilhommerie vous tient les bras liés. L’égalité des conditions laisse du moins à l’honneur d’un mari la liberté de ressentiment, et, si c’était une paysanne, vous auriez maintenant toutes vos coudées franches à vous faire justice à bons coups de bâton. Mais vous avez voulu, vous, tâter de la noblesse, et il vous ennuyait d’être maître chez vous. Ah ! j’enrage de tout mon cœur, et je me donnerais volontiers des soufflets !
Puis quand, à bout de hontes, ayant dû, à genoux, faire amende honorable pour des vilenies qu’il n’a pas commises, il abandonne la partie, désespéré :
Ah ! je la quitte maintenant, et je n’y vois plus de remède. Lorsqu’on a, comme moi, épousé une méchante femme, le meilleur parti que l’on puisse prendre, c’est de s’aller jeter à l’eau, la tête la première.
Ne semble-t-il pas qu’on entende un cri d’angoisse poussé peut-être plus d’une fois, dans l’intimité, par le mari d’Armande Béjart ?
Lui aussi avait rêvé plus de bonheur, et il a pris soin de nous dire bien des fois comment il concevait le mariage « ce lien honnête et doux » et les devoirs de mutuelle tendresse, de confiance, d’indulgence des époux, de nous montrer aussi la femme qu’il rêvait ou qu’il avait rêvée dans Elmire, Eliante, Henriette. Cette dernière surtout semble résumer les qualités affectives, morales, intellectuelles, qu’il tient comme nécessaires à la compagne de l’honnête homme, mère de famille et maîtresse de maison, dans une société choisie. Ni fausse prudence, ni vanité