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passions et caractères.

quise et perfide Célimène sera l’idéal de la coquetterie professionnelle, le modèle des Dalilas de salon, insatiables et impitoyables, dont la froideur savante se plaît à endormir et livrer au désespoir, quelquefois à la mort, les Samsons, comme les Alcestes, trop naïfs et trop tendres. La prude Arsinoé vaut moins qu’elle encore, puisque sa bégueulerie n’est qu’un masque hypocrite à cacher tous les vices de l’intrigante dépravée, et les autres « chères madames » qui se pressent à ses réceptions nous inspireraient un dégoût général pour cette société distinguée, sans la présence de la modeste et spirituelle Eliante. Celle-ci répand, dans cette atmosphère empestée de jalousies et de médisances, un salutaire parfum de sincérité, de loyauté, d’intelligence qui suffit à nous rappeler, avec les belles colères d’Alceste, que parmi les fleurs malsaines, dans tous les mondes, peuvent croître et s’épanouir des fleurs assez fraîches pour enchanter les yeux et le cœur du philosophe le plus pessimiste. Après le Misanthrope, les marquises, courtisans et femmes nobles ne reparaîtront plus guère dans les dernières œuvres, qu’en des rôles moins apparents, quelquefois franchement grotesques ou cyniquement odieux. Mme de Sotenville et Mme d’Escarbagnas ne sont que des sottes ridicules, affolées de vanité nobiliaire, mais Angélique, née de Sotenville, et la marquise Dorimène qui enjôle M. Jourdain, comme son homonyme avait déjà épousé de force Sganarelle, ne sont plus que d’affreuses drôlesses, libertines et rapaces. Quant au beau comte Dorante c’est déjà presque un filou, avec l’étoffe d’un rufian.