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l’originalité.

incomplète et sommaire d’une seule classe sociale, allait devenir, non seulement pour la France lai Comédie nationale, mais, pour toutes les nations civilisées, la Comédie humaine.

Un large souffle d’humanité court déjà dans son œuvre avant qu’il n’en fasse retentir le mot. À la malignité perspicace et irrespectueuse, à la raillerie joviale et sensée de l’apprenti parisien, à l’esprit littéraire et aux sérieuses réflexions de l’adolescent studieux s’ajoute vite tout ce qu’une précoce et rude expérience de la vie a donné au comédien errant, de sympathie bienveillante et universelle pour tout ce qui, dans l’homme, lui semble naturel, sincère, franc, généreux, droit et loyal. C’est grâce à cette expérience que, rentré à Paris, il s’y montre libre de tous les préjugés étroits qu’impose fatalement, plus ou moins longtemps, une jeunesse enfermée dans un seul milieu, et qu’il se meut, avec aisance, en dehors et au-dessus des coteries littéraires, mondaines ou bohèmes, prenant d’elles pourtant ce qui lui en semble bon, même lorsqu’il les combat dans leurs ridicules. C’est grâce à cette expérience qu’il voudra et pourra devenir à la lois le favori du beau monde et des petites gens, des courtisans et des bourgeois, des naïfs et des délicats, qu’il les amusera tous en les instruisant tous par le spectacle des travers et ridicules, des défauts et des qualités, des vices et des vertus qui leur sont communs à tous sous la diversité des costumes et des mœurs.

Une première conséquence de cette acuité supérieure d’observation est la prédominance progressive, dans les comédies ou farces, du caractère des