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deux heures a augmenté en dix ans de près d’un tiers la production anglaise[1], quelle marche vertigineuse imprimera à la production française une réduction légale de la journée de travail à trois heures ? Les ouvriers ne peuvent-ils donc comprendre qu’en se surmenant de travail, ils épuisent leurs forces et celles de leur progéniture ; que, usés, ils arrivent avant l’âge à être incapables de tout travail ; qu’absorbés, abrutis par un seul vice, ils ne sont plus des hommes, mais des tronçons d’hommes ; qu’ils tuent en eux toutes les belles facultés pour ne laisser debout et luxuriante que la folie furibonde du travail ?

Ah ! comme des perroquets d’Arcadie ils répètent la leçon des économistes : « Travaillons, travaillons pour accroître la richesse nationale. » Ô idiots ! c’est parce que vous travaillez trop que l’outillage industriel se développe lentement. Cessez de braire et écoutez un économiste ; il n’est pas un aigle, ce n’est que M. L. Reybaud, que nous avons eu le bonheur de perdre il y a quelques mois : « C’est en général sur les conditions de la main-d’œuvre que se règle la révolution dans les méthodes du travail. Tant que la main-d’œuvre fournit ses services à bas prix, on la

  1. Voici, d’après le célèbre statisticien R. Giffen, du Bureau de statistique de Londres, la progression croissante de la richesse nationale de l’Angleterre et de l’Irlande : en
    1814 elle était de… 55 milliards de francs.
    1865
    162 1/2
    1875
    212 1/2