Page:Lafargue - Le Droit à la paresse.djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vaillent deux heures de moins par jour… Nous travaillons tous deux grandes heures de trop : j’ai la conviction que si l’on ne travaillait que onze heures au lieu de treize, nous aurions la même production et produirions par conséquent plus économiquement. » D’un autre côté, M. Leroy-Beaulieu affirme que « c’est une observation d’un grand manufacturier belge que les semaines où tombe un jour férié n’apportent pas une production inférieure à celle des semaines ordinaires…[1] »

Ce que le peuple, pipé en sa simplesse par les moralistes, n’a jamais osé, un gouvernement aristocratique l’a osé. Méprisant les hautes considérations morales et industrielles des économistes, qui, comme les oiseaux de mauvais augure, croassaient que diminuer d’une heure le travail des fabriques c’était décréter la ruine de l’industrie anglaise, le gouvernement de l’Angleterre a défendu par une loi, strictement observée, de travailler plus de dix heures par jour ; et, après comme avant, l’Angleterre demeure la première nation industrielle du monde.

La grande expérience anglaise est là, l’expérience de quelques capitalistes intelligents est là : elles démontrent irréfutablement que, pour puissancier la productivité humaine, il faut réduire les heures de travail et multiplier les jours de paye et de fêtes, et le peuple français n’est pas convaincu. — Mais si une misérable réduction de

  1. Paul Leroy-Beaulieu. La question ouvrière au xixe siècle, 1872.