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cependant son armée est une des plus fortes proportionnellement à la population. Les glorieux champs de bataille de la brave armée belge sont les plaines du Borinage et de Charleroy ; c’est dans le sang des mineurs et des ouvriers désarmés que les officiers belges trempent leurs épées et ramassent leurs épaulettes. Les nations européennes n’ont pas des armées nationales, mais des armées mercenaires : elles protègent les capitalistes contre la fureur populaire qui voudrait les condamner à dix heures de mines ou de filature.

Donc, en se serrant le ventre, la classe ouvrière a développé outre mesure le ventre de la bourgeoisie, condamnée à la sur-consommation.

Pour être soulagée dans son pénible travail, la bourgeoisie a retiré des classes ouvrières une masse d’hommes de beaucoup supérieure à celle qui restait consacrée à la production utile, et l’a condamnée à son tour à l’improductivité et à la sur-consommation. Mais ce troupeau de bouches inutiles, malgré sa voracité insatiable, ne suffit pas à consommer toutes les marchandises que les ouvriers, abrutis par le dogme du travail, produisent comme des maniaques, sans vouloir les consommer, et sans même songer si l’on trouvera des gens pour les consommer.

En présence de cette double folie des travailleurs, de se tuer de sur-travail et de végéter dans l’abstinence, le grand problème de la production capitaliste n’est plus de trouver des producteurs et de décupler leurs forces, mais de découvrir des consommateurs, d’exciter leurs appétits et de leur créer des besoins factices. Puisque les ouvriers euro-