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leurs peintures de ces monumentales ripailles[1] dont on se régalait alors entre deux batailles et deux dévastations, et dans lesquelles tout « allait par escuelles. » — Jordaens et l’école flamande les ont écrites sur leurs toiles réjouissantes. Sublimes estomacs gargantuesques, qu’êtes-vous devenus ? Sublimes cerveaux qui encercliez toute la pensée humaine, qu’êtes-vous devenus ? — Nous sommes bien dégénérés et bien rapetissés. La vache enragée, la pomme de terre, le vin fuchsiné, le schnaps prussien savamment combinés avec le travail forcé ont débilité nos corps et borné nos esprits. Et c’est alors que l’homme rétrécit son estomac et que la machine élargit sa productivité, c’est alors que les économistes nous prêchent la théorie malthusienne, la religion de l’abstinence

  1. Ces fêtes pantagruéliques duraient des semaines. Don Rodrigo de Lara gagne sa fiancée en expulsant les Maures de Calatrava la vieille, et le Romancero narre que,

    Las bodas fueron en Burgos,
    Las tornabodas en Salas :
    En bodas y tornabodas
    Pasaron siete semanas.
    Tantas vienen de las gentes,
    Que no caben por las plazas…

    (Les noces furent à Burgos, les retours de noces à Salas ; en noces et retours de noces, sept semaines passèrent ; tant de gens accoururent que les places ne purent les contenir…)

    Les hommes de ces noces de sept semaines étaient les héroïques soldats des guerres de l’indépendance.