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vrés corps et âme au vice du travail, ils précipitent la société tout entière dans ces crises industrielles de surproduction qui convulsent l’organisme social. Alors, parce qu’il y a pléthore de marchandises et pénurie d’acheteurs, les ateliers se ferment et la faim cingle les populations ouvrières de son fouet aux mille lanières. Les prolétaires abrutis par le dogme du travail, ne comprenant pas que le sur-travail qu’ils se sont infligé pendant le temps de prétendue prospérité est la cause de leur misère présente, au lieu de courir aux greniers à blé et de crier : « Nous avons faim, nous voulons manger !… Vrai, nous n’avons pas un rouge liard, mais tout gueux que nous sommes, c’est nous cependant qui avons moissonné le blé et vendangé le raisin… » — Au lieu d’assiéger les magasins de M. Bonnet, de Jujurieux, l’inventeur des couvents industriels, et de clamer : « M. Bonnet, voici vos ouvrières ovalistes, moulineuses, fileuses, tisseuses, elles grelottent sous leurs cotonnades rapetassées à chagriner l’œil d’un juif et cependant ce sont elles qui ont filé et tissé les robes de soie des cocottes de toute la chrétienté. Les pauvresses travaillant treize heures par jour, n’avaient pas le temps de songer à la toilette, maintenant elles chôment et peuvent faire du frou-frou avec les soieries qu’elles ont ouvrées. Dès qu’elles ont perdu leurs dents de lait, elles se sont dévouées à votre fortune et ont vécu dans l’abstinence ; maintenant elles ont des loisirs et veulent jouir un peu des fruits de leur travail. Allons, M. Bonnet, livrez vos soieries, M. Harmel fournira ses mousselines, M. Pouyer-Quertier ses calicots, M. Pinet