Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/67

Cette page n’a pas encore été corrigée

La forme est pour lui la chose capitale, « ôtez, dit-il à tous ces grands hommes cette simple et petite chose, le style, et de Voltaire, de Pascal, de Boileau, de Bossuet, de Fénelon, de Racine, de Corneille, de Lafontaine, de Molière, de ces maîtres, que vous restera-t-il ? — Ce qui reste d’Homère après avoir passé par Bitaubé ». — La vérité de l’observation et la force et l’originalité de la pensée, sont choses secondaires, qui ne comptent pas. — « La forme est chose plus absolue qu’on ne pense... Tout art qui veut vivre doit commencer par bien se poser à lui-même les questions de forme de langage et de style... Le style est la clef de l’avenir... Sans le style vous pouvez avoir le succès du moment, l’applaudissement, le bruit, la fanfare, les couronnes, l’acclamation enivrée des multitudes, vous n’aurez pas le vrai triomphe, la vraie gloire, la vraie conquête, le vrai laurier, comme dit Cicéron : insignia victoriae, non victoriam »[1].

Victor Cousin, le romantique de la philosophie, et Victor Hugo, le philosophe du romantisme, servirent à la bourgeoisie l’espèce de philosophie et de littérature qu’elle demandait. Les Diderot, les Voltaire, les Rousseau, les D’Alembert et les Condillac du XVIIIe siècle l’avaient trop fait penser pour qu’elle ne désirât se reposer et goûter sans cassements de tête une douce philosophie et une sentimentale poésie, qui ne devaient plus mettre en jeu l’intelligence, mais amuser le lecteur, le transporter dans les nuages et le pays des rêves, et charmer ses yeux par la beauté et

  1. Victor Hugo. Philosophie et littérature mêlées, 1831. P. 27-49-50-51.