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Que les légitimistes, qui avaient nourri, choyé, prôné, décoré Victor Hugo, conservent pieusement une amère rancune contre le jeune Eliacin, qui les lâche dès que la révolution de 1830 leur arrache des mains la clef de la cassette aux pensions, rien de plus naturel. Qu’ils l’accusent de désertion, de trahison, rien de plus juste. Cependant, le pair de France de la monarchie orléaniste, qui faisait porter à sa mère le poids de son royalisme, eût pu expliquer son orléanisme par son amour de la morale et leur dire : « Moi, l’homme toujours fidèle au devoir j’ai dû obéir aux commandements d’une morale plus haute que la reconnaissance: j’ai obéi aux injonctions de la morale pratique : pas d’argent, pas de suisse, ni de poète. » Mais les anciens patrons de l’écrivain dépassent toute mesure, quand pour nuire à l’écoulement de sa marchandise parmi les gens pieux, ils le calomnient et l’appellent un impie. Rien de plus faux.

Victor Hugo eut le malheur de naître de parents impies, et d’être élevé au milieu des impies. Sa mère ne lui permit pas de manger du Bon Dieu[1], mais lui donna, en revanche, pour professeurs,

  1. La brigande Vendéenne était une Voltairienne décidée : à Madrid, elle plaça ses enfants au collège des nobles, mais « s’opposa énergiquement, malgré la résistance des prêtres directeurs, à ce qu’ils servissent la messe comme les autres élèves et défendit même qu’on fit confesser et communier ses enfants. » (Victor Hugo raconté Vol. I. 194).