Page:Lafargue - La légende de Victor Hugo, 1902.djvu/30

Cette page n’a pas encore été corrigée

simple fait caractérise la nature violente de ses sentiments[1]. L’oncle et le père de Hugo nourrissaient de nombreux griefs contre l’empereur, qui refusa de confirmer ce dernier dans son grade de général, conféré par Joseph. Lahorie, qui pendant sa réclusion de 18 mois aux Feuillantines, apprenait au jeune Victor à « lire Tacite », ne devait pas non plus, lui inculquer l’amour de Bonaparte, contre lequel il conspirait. Hugo devait donc épouser la haine de sa mère pour Napoléon, que partageaient son mari et ses amis, en même temps qu’il endossait ses opinions royalistes. Mais il fut réfractaire à toute influence, personne ne put lui imposer ses sentiments, ni père ni mère, ni oncle, ni amis : Napoléon et son extraordinaire fortune emplissaient sa tête ; « son image sans cesse ébranlait sa pensée ». Tous les hommes de sa génération subirent cette action troublante. Il faut lire Rouge et Noir pour comprendre à quel point Napoléon s’empara de l’imagination des hommes de vouloir et de pouvoir. Toute sa vie, il obséda Hugo : tout enfant, il était son idéal. Ses camarades d’école jouaient des pièces de théâtre de sa composition ou de celles de son frère Eugène. « Les sujets habituels de ces pièces étaient les guerres de l’empire... c’était Victor qui jouait Napoléon. Alors il couvrait de décorations sa poitrine rayonnante d’aigles d’or et d’argent. »[2]. En ces temps il songeait fort peu à la Vendée et à ses vierges martyres, à Henri IV et aux vertus des rois légitimes : Napoléon le possédait

  1. Victor Hugo raconté, vol. 1 . 252.
  2. Victor Hugo raconté, vol. 1