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d’un conseil de guerre, qui jugeait expéditivement les royalistes : sans autre forme de procès, il les condamnait à mort, leur identité et inscription sur la liste des suspects, constatées. La brigande suivit son mari à Madrid, orna la cour de Joseph qui sur le trône d’Espagne, remplaçait le roi légitime, et permit à son fils aîné Abel, d’endosser la livrée bonapartiste, en qualité de page. Le royalisme de Madame Hugo, si tant est qu’elle eut une opinion politique, devait être bien platonique : autrement il faudrait admettre que cette femme si courageuse, si fidèle en ses amitiés (pendant 18 mois, au risque de mille dangers, elle cacha aux Feuillantines, le général Lahorie, traqué par la police impériale), aurait ainsi renié sa foi et pactisé avec les plus cruels ennemis de son parti. Hugo a dû ne savoir à quelle excuse se vouer, pour en arriver à prêter à sa mère défunte, des opinions en contradiction si flagrante avec les actes de sa vie et à nous la montrer traître au parti, traître au roi pour qui elle aurait affronté la mort. Lui, le fils pieux, il a du souffrir d’être réduit à flétrir la mère si dévouée à ses enfants, qui les éleva et les soigna si tendrement alors que le père les abandonnait, qui les laissa librement se développer et obéir aux impulsions de leur nature. Mais il lui fallait à tout prix trouver quelqu’un, sur qui rejeter la responsabilité de ses odes royalistes, qui l’embarrassaient davantage que le boulet ne gêne le forçat pour fuir à travers champs : il prit sa mère[1].

  1. De 1817 à 1826 aucun événement heureux ou malheureux ne pouvait arriver à la famille royale, sans qu’il ne saisit aussitôt sa bonne plume d’oie : tantôt c’est une naissance, un baptême, une mort ; tantôt un avènement, un sacre, qui allume sa verve. Hugo est le Belmontet de Louis XVIII et de Charles X ; il est le poète officiel, attaché au service personnel de la famille royale.