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écrit-il en 1831, dans la préface des Feuilles d’automne. — Mon père, soldat de la République et de l’Empire bivouaquait en Europe ; je vécus auprès de ma mère et subis ses opinions ; pour elle « la Révolution c’était la guillotine, Bonaparte l’homme qui prenait les fils, l’empire du sabre ». Son influence, non contrebalancée,[1] planta dans le jeune cœur de Hugo une haine vigoureuse de Napoléon et de la Révolution, car « il était soumis en tout à sa mère et prêt à tout ce qu’elle voulait[2] ». Le royalisme de Hugo n’était que de la piété filiale et l’on sait que personne, mieux que lui, ne mérita l’épitaphe de bon fils, bon mari, bon père.

Emporté par son imagination, Hugo, le converti de 1830, se figurait les opinions de sa mère, non telles qu’elles avaient été, mais telles que les besoins de son excuse les exigeaient. En effet, cette brigande, qui battait la campagne pour le Roy s’amouracha d’un pataud, du républicain J.-L.-S. Hugo, qui, pour se mettre à la mode du jour, s’était affublé du prénom de Brutus. Elle l’avait connu à Nantes où siégeait une commission militaire, qui, parfois, jugeait et passait par les armes, en un seul jour, des fournées de dix et douze brigands et brigandes. Brutus Hugo remplissait auprès de cette commission les fonctions de greffier. En 1796, la brigande épousa civilement le soldat républicain, qui, plus Brutus que jamais, était pour l’instant et le resta jusqu’en 1797, rapporteur

  1. Victor Hugo. Philosophie et littérature mêlées, 1831. Vol. 1, p. 203.
  2. Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie. Vol. 1, p. 147. Première édition.