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commerce, les administrations des chemins de fer, des banques, l’enseignement, les postes, etc., et il arrive fréquemment que la jeune mariée continue à travailler au dehors, afin de compléter les ressources du ménage, dont les appointements du mari n’arrivent pas à couvrir les dépenses.

Les filles et les femmes de la petite bourgeoisie, ainsi que celles de la classe ouvrière, entrent donc en concurrence avec leurs père, frères et mari. Cet antagonisme économique, que la Bourgeoisie avait empêché de se produire par la claustration de la femme dans la demeure familiale, se généralise et s’intensifie à mesure que la production capitaliste se développe ; il envahit le champ des professions libérales — médecine, barreau, littérature, journalisme, sciences, etc., — dont l’homme s’était réservé le monopole, qu’il s’imaginait devoir être éternel. Les ouvriers, comme toujours, ont été les premiers à tirer les conséquences logiques de la participation de la femme à la production sociale ; ils ont remplacé l’idéal de l’artisan, — la femme exclusivement ménagère, — par un nouvel idéal, — la femme, compagne de leurs luttes économiques et politiques pour le relèvement des salaires et l’émancipation du travail.

La Bourgeoisie n’est pas encore parvenue à comprendre, que depuis longtemps son idéal est démodé et qu’elle doit le remodeler pour le faire correspondre aux nouvelles conditions du milieu social ; cependant dès la première moitié du XIXe siècle les dames de la Bourgeoisie commencèrent à protester contre leur infériorisation familiale, d’autant plus intolérable, que l’apport dotal les plaçait sur un pied d’égalité avec le mari : elles s’insurgèrent contre l’esclavage domestique et la vie parcimonieuse à laquelle on les condamnait, ainsi que contre la pri-