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l’initiative de cette séparation, que la spécialisation des fonctions consolida et accentua. Elle se manifesta socialement par des cérémonies religieuses et des langues secrètes particulières à chaque sexe, et même par des luttes[1] : et après avoir pris un caractère de violent antagonisme, elle aboutit au brutal asservissement de la femme, lequel subsiste encore, bien qu’il aille en s’atténuant à mesure que se généralise et s’accentue sur le terrain économique l’antagonisme des deux sexes. Mais l’antagonisme moderne n’aboutira pas à la victoire d’un sexe sur l’autre, car il est un des phénomènes de la lutte du Travail contre le Capital, qui trouvera sa solution par l’émancipation de la classe ouvrière dans laquelle les femmes comme les hommes sont incorporés.

La technique de la production qui tend à supprimer la spécialisation des métiers et des fonctions et à remplacer l’effort musculaire par l’attention et l’habileté intellectuelle et qui, plus elle se perfectionne, plus elle mêle et confond la femme et l’homme dans le travail social, empêchera le retour des conditions, qui chez les nations sauvages et barbares avaient maintenu la séparation des sexes. La propriété commune fera disparaître l’antagonisme économique de la civilisation.

Mais s’il est possible d’entrevoir la fin de la servitude féminine et de l’antagonisme des sexes et de concevoir pour l’espèce humaine une ère d’incomparable progrès corporel et intellectuel, alors qu’elle sera reproduite par des femmes et des

  1. A. W. Howit, qui a observé chez les Australiens une espèce de totemisme sexuel, dit qu’il arrive souvent que les femmes et les hommes d’un même clan se battent, quand l’animal qui sert de totem à un sexe est tué par une personne de l’autre sexe.