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des rires des Olympiens ; il entra dans une terrible colère quand il vit les os dénudés. (Théogonie 535 et sq.) Une telle farce ne s’est jouée dans le ciel Olympique que parce que sur terre on dut recourir à de semblables épreuves, afin de prouver au Père que ses facultés intellectuelles ne l’autorisaient pas à se substituer à la Mère dans la direction de la famille et la gestion de ses biens.

La position supérieure dans la famille et la société, que l’homme conquit par la force brutale, en même temps qu’elle l’obligea à une activité cérébrale, à laquelle il était peu accoutumé, mit à sa disposition des moyens de développement intellectuel, sans cesse croissants. La femme domptée selon l’expression grecque, enfermée dans le cercle étroit de la famille, dont la direction lui était enlevée, et n’ayant que peu ou point de contact avec le monde extérieur, voyait au contraire se réduire à presque rien les moyens de développement dont elle avait joui et pour compléter son asservissement on lui interdisait la culture intellectuelle donnée à l’homme. Si en dépit de ces entraves et de ces désavantages, dont il est impossible d’exagérer les désastreux effets, le cerveau féminin a continué à évoluer, c’est que l’intelligence de la femme a bénéficié des progrès réalisés par le cerveau masculin ; car un sexe transmet à l’autre les qualités qu’il a acquises ; ainsi les poules de certaines races héritent des ergots très développés chez les coqs, dans d’autres races elles transmettent aux mâles leurs crêtes exagérées. « Il est heureux, dit à ce propos Darwin, que l’égale transmission des caractères des deux sexes, ait été une règle générale dans toutes la série des mammifères, autrement il est probable que l’homme serait devenu aussi supérieur à la femme en puissance