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Tacite, comme ayant en elle quelque chose de saint et de providentiel, aliquid sanctum et proxidum : (Mœurs des Germains § VIII) sa prudence et sa prévoyance lui donnaient ce caractère divin. Doit-on conclure que cette supériorité intellectuelle, qui se manifeste alors que le milieu économique est rudimentaire, est un phénomène naturel ?

Mais en tous cas on peut affirmer que la vitalité de la femme est supérieure à celle de l’homme. Les compagnies d’assurances sur la vie des États-Unis, de l’Angleterre et de la Hollande, qui ne basent pas leurs calculs sur les billevesées scientifiques des Intellectuels, mais sur des tables de mortalité, servent à la femme une rente viagère inférieure à celle qu’elles donnent à l’homme, parce que ses probabilités de mort sont moindres. Voici comme exemple la rente viagère pour un capital de 1 000 fr. servie par des compagnies américaines et hollandaises[1] :

Âge la new-york la néerlandaise
Hommes Femmes Hommes Femmes
fr. c. fr. c. fr. c. fr. c.
50 ans...... 76.47 69.57 76.80 73.60
60 ans...... 97.24 88.03 98.50 93.50
70 ans...... 134.31 122.48 142.00 136.70
80 ans...... 183.95 168.00 222.70 211.70


On peut objecter que l’homme menant une vie plus mouvementée est plus sujet aux accidents, aux maladies et autres causes de mort, et que par conséquent la durée prolongée de la vie de la femme ne

  1. Les compagnies françaises ne font pas de différences entre les sexes, parce qu’elles servent de très petites rentes. La Générale, la plus importante de France, donne pour 1 000 fr. à 50 ans une rente viagère de 64,20 fr. ; à 60 ans de 80,80 fr. ; à 70 ans de 118,50 fr. ; à 80 ans de 143,70 fr. Aussi réalise-t-elle d’énormes bénéfices ; ses actions qui en 1819 valaient 750 fr. étaient cotées en janvier dernier 31 300 francs.