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femme à l’homme, avait été précédée par la famille maternelle, qui donne la première place à la femme. La langue grecque enregistre ces deux conditions : tandis que les Spartiates, chez qui persistaient des mœurs matriarcales, continuent à la nommer, ἡ δεσποινα, la maîtresse de la maison, la souveraine, les autres grecs appellent l’épouse, ἡ δαμαρ la domptée, la vaincue. L’Odyssée, pour qualifier Nausicaa, dit quelle est παρθένος αδμης, la fille non domptée, c’est-à-dire sans époux, sans maître. L’expression française le joug de l’hymen, préserve l’idée antique.

Hésiode, contrairement à Homère, qui ne rapporte que des mœurs patriarcales, conserve de précieux souvenirs de la famille matriarcale ; il nous dit que lorsqu’elle existait « l’homme, même âgé de cent ans, vivait auprès de la mère prudente, — Κέδνη — il était nourri dans sa maison, comme un grand enfant. » (Travaux et jours, v. 129-130.) Ce n’était pas la femme qui avait alors un « cerveau d’enfant » mais l’homme : tout semble en effet prouver que son intelligence fut la première à se développer. Cette supériorité intellectuelle fit quelle fut divinisée avant l’homme dans les religions primitives d’Égypte, des Indes, d’Asie et de Grèce et que les premières inventions des arts et des métiers, à l’exception du travail des métaux, furent attribuées à des déesses et non à des dieux. Les Muses, primitivement au nombre de trois étaient en Grèce, bien avant Apollon, les déesses de la poésie, de la musique et de la danse. Isis, « la mère des épis et la dame du pain » et Demeter, législatrice, avaient appris aux Égyptiens et aux Hellènes la culture de l’orge et du blé et leur avaient fait renoncer aux repas anthropophagiques. La femme apparaissait aux hommes pré-patriarcaux, ainsi qu’aux Germains que connut